Katmandou...Encore un nom qui a hanté mes rêves.
Dans les années 70, beaucoup de jeunes de ma génération partaient là-bas pour vivre leur "Peace and love" qui, bien souvent, malheureusement, se terminait en "live".
Nous entrons dans la ville autour des 18 h. je suis bien heureuse d'être si gentiment entourée des jeunes Chinois qui s'occupent gaiement de trouver un logement à bas prix. Je suis malgré tout surprise de les voir accepter de se loger à environ 7 € la nuit. Heureusement pour moi, Joy, une fille du groupe, refuse de payer aussi cher et m'entraîne vers le taxi. Un des garçons, inquiet de nous voir repartir seules, décide de nous accompagner. Je leur indique l'hôtel "petits budgets" proposé par le Routard et nous avons le plaisir de découvrir une charmante guesthouse avec une chambre ouvrant sur un jardinet. Le garçon nous quitte. Joy et moi allons partager cette petite chambre. Elle voyage seule pour la première fois mais me semble bien dégourdie. Elle se prépare à faire un treck dans l'Himalaya.
Je suis tellement fatiguée que je m'endors comme une souche, sans même être dérangée par les bruits alentours qui ont tenu Joy en éveil.
Levée très tôt le lendemain, je pars à la découverte de ce nouvel endroit riche en couleurs et grouillant de vies humaines.
Les trottoirs sont aussi embouteillés par les piétons que les ruelles par les charrettes, rickshaws, et véhicules à moteurs. Les grelots grelottent, les klaxons klaxonnent...
Il y a un endroit nommé "Durban Square". Ce mot : "square" évoque pour moi un petit parc tranquille. Je me dirige donc vers ce lieu de repos pour échapper quelques instants à ce fourmillement humain.
Surprise ! Aucun arbre ! des temples, rien que des temples ! des représentaions divines...et la foule, multicolore, bruyante, mouvante et compacte.
Tout cela est supportable : j'ai déjà connu ça dans mes autres voyages.
Mais la grande pauvreté : impossible de s'y habituer.
Katmandou va me donner un avant-goût de la misère indienne. Et là, je vais très mal le vivre : les mamans, un biberon vide à la main, sâle, taché de lait caillé, me pressent dès ma sortie de la pension. Je suis impressionnée par la taille minuscule des enfants népalais. Ils sont bien proportionnés mais mais si petits, menus, légers : On dirait des micro-enfants.
Je commence par donner quelques pièces mais je suis immédiatement submergée et obligée d'endurcir mon coeur.
Je me sens tellement égoïste : je devrais immédiatement arrêter mon tour du monde pour partager avec ces gens l'argent que je vais gaspiller en continuant ma "poursuite du vent". Bien sûr, on va me tranquilliser en disant qu'une goutte d'eau dans l'océan de la misère du monde ne sert à rien.
Non. Je ne suis pas d'accord : une vie, c'est UNE VIE, précieuse, aussi précieuse que ma propre vie, aussi précieuse que celles des chéris que j'ai laissés en France.
Je pourrais au moins transformer la vie de cette maman qui, toute menue comme les enfants qui s'accrochent à ses jupes, essaye en vain d'attirer mon regard fuyant.
Voilà ce que je suis, moi, la Française qui proteste à longueur de vie après le gouvernement qui a jusqu'à présent, malgré toutes ses lacunes, a assuré ma scolarité, mes soins médicaux, mon chômage et ma vieillesse.
Je réalise, en plus, que ma mauvaise conscience me rend agressive : je repousse ces mères de famille en guenilles et je poursuis ma route...poursuivie par ma conscience.
A partir de ce jour et pendant tout le mois qui va suivre en Inde, je vais vivre, honteuse et tourmentée, à tel point que mon moral va être sérieusement atteint.
Le Népal n'étant pas l'un des "points forts" de mon tour du monde, je ne resterai que 3 jours à Katmandou.
Je me suis adressée à une petite agence de rue pour l'achat de mon billet de bus de Katmandou à Gorakhpur, en Inde. L'agent tente de m'expliquer, à l'aide de croquis, de chiffres et d'horaires, la teneur de mon périple.- ça m'a l'air compliqué et ça m'inquiète -
On m'avait dit que la frontière à Saunoli n'était pas très sûre. Chantage et backchich de la part des douaniers...
Mon bus est sensé partir en soirée, jusqu'à une certaine distance de la frontière, ensuite, un rickshaw devrait me conduire (vers 5 h du mat; !) vers un collègue d'une autre agence qui devrait s'occuper de la suite (à 5 h du mat ?). Tout cela est un peu nébuleux.
Je me rends vers la gare routière, très incertaine des heures qui vont suivre...ça commence bien : impossible de lire aucun nom de destination : tout est écrit en signes népalais. Un homme, me voyant hésitante, s'adresse à moi, je lui tends mon billet, il me dit en Anglais : "c'est mon bus !", saisit mon sac à dos et le met dans son coffre.
Cette "heureuse" coïncidence me rend un peu méfiante. C'est trop tard ! mes bagages sont dans le coffre fermé à clé et mon bus part dans 2 heures.
Le gars de l'agence m'avait montré la photo d'un beau car style "pullman" et j'ai devant les yeux, une espèce de fossile sur roues nommé "Prince" !!! dont l'intérieur est aussi vétuste que la carrosserie. Une nuit là-dedans, ça va être gai !
A SUIVRE...