Je me sens perdue...Mon fils passe ses journées immobile sur son lit, fièvreux et aussi plat qu'un lapin crevé. A chaque fois qu'il émet le moindre désir de nourriture, je m'empresse de le satisfaire en faisant l'aller-retour jusqu'en "ville". Le trajet, d'une vingtaine de minutes, escarpé, est un peu rude, mais que ne ferais-je pas pour le voir s'alimenter ou boire un peu ?
Malheureusement, à peine a-t-il goûté le liquide ou le solide apporté, il l'abandonne, dégoûté...Que lui arrive-t-il ? Ce n'est pas du tout sa façon d'agir. Ce n'est ni un douillet, ni un capricieux. Il aime l'aventure, ce voyage l'intéresse : je sais parfaitement qu'il ne me joue pas la comédie. C'est ce que je réponds à notre logeuse qui s'inquiète de me voir faire, plusieurs fois par jour, cette fameuse grimpée qui me sépare des commerces de la petite ville où se trouve, peut-être, ce qui aidera mon fils à se remettre...
Le seul problème, avec Adc, c'est qu'il refuse toute intervention médicale.
Je suis de plus en plus inquiète : nous ne pouvons pas nous éterniser dans cet hôtel un peu trop cher pour notre budget. Le tourisme n'étant pas du tout développé dans cette région du globe, les hébergements sont rares et coûteux.
Je dois m'organiser pour trouver un moyen de déplacement vers la frontière indonésienne avant que mon fils ne devienne intransportable. J'ai peur. je prie.
Ce dimanche matin, je me rends une fois de plus vers les commercs pour trouver un jus d'orange...(nouveau "rêve" de mon fils)...
La petite ville est très calme : à l'extérieur d'une église, les gens écoutent gravement le sermon d'un prêtre dont la voix est emplifiée par des haut-parleurs. Il y a de la place dans l'édifice, pourquoi restent-ils à l'extérieur ? Certains s'arrêtent même au milieu de la route, un enfant dans les bras, et écoutent respectueusement.
A cette heure de la journée, le soleil est encore doux, l'atmosphère de respect, de recueillement est agréable et m'apaise à mon tour.
Je trouve le dernier jus d'orange sur l'étalage d'une boutique qui fermait juste ses portes ! ouf !
Comme au retour la ville était quasiment déserte, seulement fréquentée par quelques jeunes désoeuvrés qui m'inquiétaient un peu, je presse le pas et trouve le moyen de me perdre ! c'est fou ça ! c'est une vraie tare ! je suis furieuse contre moi et encore plus inquiète quand un des jeunes m'aborde pour me demander ce que je fais là...je lui rétorque que je rentre à mon hôtel : OK ! il me laisse...OUF !
Un homme m'aborde un peu plus tard, devinant que je n'étais pas très au clair quant à mon chemin de retour. Quand je lui précise le nom de l'hôtel, il me propose de me montrer un raccourci. J'accèpte, bien qu'un peu méfiante. Il me conduit sur un petit sentier escarpé et solitaire, au travers d'une petite forêt... Mon inquiétude disparaît totalement quand je le vois complétement éssouflé par la grimpée. il a les dents rouges de béthel : le produit n'a pas l'air de lui donner des forces, en tous cas ! j'ai l'impression d'être capable de le terraser d'une seule pichnette s'il s'avisait de m'agresser.
Il m'a accompagnée jusqu'au bout. Je l'ai chaleureusement remercié. Il m'a salué de son sourire "sanguinolent" avant de reprendre le chemin du retour.
Moralité de l'histoire : OUI, les Papous sont serviables et désintéressés.
A suivre...