Cette première nuit n'a pas été terrible, il fallait s'y attendre...Tous les jeunes étaient allongés par terre, j'ai donc eu la banquette pour moi toute seule ! Mais, la "mince épaisseur " du rembourrage m'a causé de nombreux réveils intempestifs pour essayer la super position qu'on croit - enfin ! - avoir trouvée , et qui refile des courbatures au bout de cinq minutes...
Par contre, mes compagnons de voyage ont été admirables de gentillesse et de prévenance, surtout la jeune Aï Lin qui débordait d'admiration de voir une mamie voyager seule autour du monde !
Ils m'ont gavée de leurs spécialités culinaires, parfois un peu trop épicées pour moi !
A mon tour, j'ai voulu leur faire goûter le seul produit européen que je transportais : les fameuses petites dragées blanches Ricqlès (un bon truc pour le voyage : se conservent très bien grâce à leur emballage individuel, efficaces contre nausées et petits ennuis gastriques...)
Seul, Li Tao, l'un des jeunes gens, à bien voulu les tester.
Sincèrement, je ne voulais pas lui jouer un sale tour. Quelle n'a pas été ma surprise (et ma crise de fou-rire !) quand je l'ai vu souffler comme un boeuf, la bouche grande ouverte, incapable de supporter la puissance du goût mentholé !
Il a finit par cracher le bonbon dans le creux de sa main.
Je ne vois pas en quoi ma menthe pouvait être plus insupportable que leurs plats archi-épicés
Tout le wagon était plié en deux , et moi, j'essayais en vain de retenir les bouffées de rire qui remontaient de mes entrailles ! Comme quoi, les goûts...c'est bien une affaire d'habitude...
Il n'a pas été rancunier, le jeune Li Tao, parce que c'est lui, qui, dans la nuit qui a suivit, m'a gentiment recouvert les épaules avec son pull, alors qu' allongée sur la banquette, j'essayais tant bien que mal, à moitié endormie, de protéger mes bras nus gelés par la climatisation. On ne verrait jamais ça en France...On m'avait dit que les jeunes Chinois étaient prévenants à l'égard des femmes et des mamies en particulier, eh ! bien, je l'ai vécu et je le vivrai encore : c'est très réconfortant.
Comme toujours en Chine, tout le monde est bavard et bruyant, surtout Aï Lin, très exubérante mais agréable, ainsi que ses vieux parents qui m'ont l'air en totale adoration devant leur grande fille de trente ans : la politique de l'enfant, unique, ça crée des idoles, c'est indéniable.
Notre train ne roule pas très vite : la vitesse, la température, heure, date, prochaine destination et "Welcome" en anglais et chinois défilent sous nos yeux sur un écran au bout du wagon, la vitesse maxi sera de 160 km/h, très rarement : ce n'est pas le TGV ! mais les Chinois en sont très fiers. Aï Lin, en se servant d'un petit traducteur de poche, m'a demandé s'il était vrai qu'en France nous avions le train le plus rapide du monde. j'ai approuvé, très fière à mon tour que ce détail soit connu jusqu'en Chine !
Les Chinois qui m'entourent m'ont l'air économiquement privilégiés : Aï Lin posséde aussi un petit ordinateur comme on n'en voyait pas encore chez nous en 2006.
Après une seconde nuit identique à la première ( cette fois-ci, j'avais pris la peine de sortir une polaire de mon sac à dos ) nous arrivons vers les hauteurs : la dernière ligne droite : Après Golmud (2800 m) où nous avons stationné vers 6 h du matin, notre train va atteindre la plus haute station : Na Qu : 4513 m, une autre gare à 5068 m,( j'ai oublié son nom), le tunnel le plus élevé du monde : 4905 m, et le Col de Tanggula à 5200 m ! Presque tous les voyageurs avaient mis leur canule à oxigène, distribuées au début du voyage après qu'on ait rempli une "attestation de bonne santé". Je n' ai pas eu besoin de cette canule : ce n'est pas pour rien que j'ai vécu 40 ans au pied du Mont Blanc, traversé la Cordillère des Andes à 4071 m en bus, grimpé le Volcan équatorien Chimborazo jusqu'à 5000 m ! ( fière de moi... )
Les paysages que nous traversons sont d'une beauté à couper le souffle ! dommage qu'il soit impossible d'ouvrir les fenêtres : les photos ne seront pas aussi belles que la réalité.
Des lacs émeraude, des paturages vert clair parsemés de taches brunes : les yacks font le gros dos...des sommets neigeux qui rosissent au soleil couchant...des rivières limpides et brillantes de lumière...de petites maisons aux toits plats, les grosses tentes noires des nomades...de tout petits villages où l'on a furtivement le
temps d'imaginer un quotidien difficile en apercevant des femmes chargées, des enfants en guenilles...
A SUIVRE...